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segunda-feira, 12 de fevereiro de 2024
Temporalidades conflito e e crise financeira bbb
Les crises financières comme conflit de temporalités bbb
Cette discordance des temps comme source de crises ne porte pas seulement sur les relations entre finance et économie, même si elles sont cruciales. Donnons quelques exemples. Pourquoi s’avère-t-il si difficile de contenir les effets dévastateurs de la crise de la dette grecque ? Probablement parce que le temps de la délibération politique, en particulier à l’échelle intergouvernementale qui est celle de l’Europe, ne peut se couler dans celui de la finance. Pourquoi, de façon récurrente, la flambée des prix du pétrole et des matières premières vient-elle enrayer la croissance des pays consommateurs de ses ressources ? La raison se trouve sans doute dans le fait que le temps de l’exploration, de la découverte et de la production de nouveaux gisements est bien supérieur à celui du cycle d’accumulation du capital productif. Par ailleurs, lorsqu’une récession mondiale renverse la dynamique des prix des matières premières, les acheteurs réduisent leurs efforts d’économie, de sorte que la prochaine expansion vient à nouveau buter sur le renchérissement du prix des ressources naturelles. Cet écart entre l’horizon temporel de décision des entreprises productrices de biens industriels et celui des entreprises spécialisées dans l’extraction des matières premières est à l’origine de crises parfois brutales ou encore d’ondes longues de type Kondratieff? [45][45]Nikolaï D. Kondratieff et Wolfgang F. Stolper, op. cit..
32Lorsque l’on étend encore l’horizon temporel, il faut bien sûr mentionner les conséquences de deux autres temporalités. En premier lieu, l’évolution démographique obéit à ses propres paramètres et constantes de temps, qui s’inscrivent dans un horizon beaucoup plus long que celui de la succession des cycles économiques, dès lors que l’on s’éloigne de la régulation ancienne qui prévalait avant l’épanouissement du capitalisme industriel et financier? [46][46]Ernest Labrousse, Histoire économique et sociale de la France,…. Comme les générations futures ne sont pas présentes à la table des négociations portant sur la réforme des retraites, il ne faut pas s’étonner si, à la génération du baby boom, relativement bien lotie, peut succéder une autre génération qui redoute un statut beaucoup moins enviable lorsqu’elle atteindra elle-même l’âge de la retraite, et qui agit en conséquence en matière de travail, d’épargne et consommation? [47][47]Michel Aglietta, Didier Blanchet et François Heran, Démographie…. Dans le même ordre d’idées, la politique chinoise de limitation à un seul enfant de la taille de la famille est longtemps apparue comme un facteur favorable à l’amélioration du niveau de vie, mais la montée attendue du taux de dépendance peut poser de redoutables problèmes à l’économie dans les décennies à venir.
33Enfin, le conflit entre le temps de l’écologie et celui de l’économie est plus évident que jamais? [48][48]Olivier Godard et Jean-Pierre Ponssard (dir.), Économie du…. On a ainsi pu observer de longue date que les incitations économiques à exploiter un gisement de poissons pouvaient déclencher une brutale expansion du secteur économique de la pêche, dissimulant un temps le fait que se tarissaient ainsi les possibilités d’une reproduction de ce gisement. Lorsque l’épuisement des ressources se traduit par une flambée des prix, il peut être trop tard pour enrayer la disparition d’une espèce ou tout au moins sa brutale contraction. Avec la montée des problèmes environnementaux liés au réchauffement climatique, l’économie mondiale bute sur le fait que les mécanismes de marché seront a priori incapables de détecter de façon suffisamment précoce l’entrée dans une zone dangereuse pour l’écosystème terrestre. En conséquence, ils ne pourront donc pas prévenir les graves problèmes géopolitiques, tant est important le décalage entre les émissions de CO2 liées à l’activité de production et de consommation et leurs effets en retour sur la viabilité économique à très long terme des divers pays. C’est évoquer la question du conflit entre l’irréversibilité de certains phénomènes physiques et l’idéal de réversibilité que postule une logique purement marchande.
... le crédit se développe beaucoup plus rapidement que la mise en valeur de l’innovation, et la crise vient sanctionner le décalage entre les temporalités régissant respectivement la finance et l’activité économique. Tel semble être un invariant des sociétés régies par l’existence du crédit et de la monnaie. Cette répétition de génération en génération n’est pas sans questionner la théorie de la rationalité prêtée à l’homo oeconomicus. C’est le point de départ d’une théorie alternative du comportement des individus face aux choix financiers?
... On pourrait donc avancer l’hypothèse selon laquelle le retour des crises financières tient au caractère limité de la mémoire historique qu’en ont les acteurs, d’autant plus qu’ils se succèdent de génération en génération. Certains acteurs peuvent certes conserver cette mémoire et en profiter pour traverser sans trop de problème les crises financières, mais ils sont trop peu nombreux pour déterminer la direction du marché sur lequel domine l’amnésie des crises précédentes.
39Mais comment expliquer la quasi-disparition des crises bancaires et financières dans les décennies postérieures à la Seconde Guerre mondiale ? La raison principale tient sans doute à ce que les autorités publiques avaient alors tiré un certain nombre de conséquences de la crise de 1929 en matière d’organisation et de réglementation des banques : il fallait éviter que les emballements spéculatifs provoqués par les banques d’investissement ne contaminent les banques commerciales ; il convenait de généraliser l’assurance sur les dépôts bancaires pour éviter les paniques du passé ; la banque centrale devait intervenir comme prêteur en dernier ressort, afin d’éviter l’effondrement en chaîne de l’ensemble du système financier. Tous ces objectifs firent l’objet de dispositifs institutionnels, dotés d’une notable permanence, et qui ont canalisé, et en un sens limité, les comportements risqués des agents privés. En quelque sorte, la mémoire incorporée dans les institutions économiques s’institua comme un garde-fou contre le caractère limité du recul temporel des agents privés. Cette forme de supériorité du collectif sur l’individuel est aux antipodes de la doxa néolibérale, selon laquelle la puissance cognitive de l’agent est telle qu’elle parvient à percer la complexité des processus économiques, surpassant la capacité des organisations et des institutions.
... Il convient d’inclure aussi dans l’analyse l’impact de la succession des générations sur la conception des institutions économiques. La génération qui a vécu la crise des années 1930 puis la Seconde Guerre mondiale a cherché à construire un ordre économique susceptible d’en éviter la répétition, grâce à un encadrement collectif des mécanismes de marché et une intervention active de l’État pour régler une économie potentiellement instable. Il s’ensuit une période de croissance rapide et relativement régulière, au cours de laquelle se forme une nouvelle génération dont les attentes sont façonnées par cette prospérité qui semble aller de soi. Lorsque ce régime socio-économique montre ses limites, à partir de la fin des années 1960, il est tentant d’incriminer l’excès des réglementations et interventions publiques comme cause de l’inflation, du chômage et du ralentissement de la progression du niveau de vie. La plupart des gouvernements se rangent à la stratégie néolibérale et reviennent sur les bases institutionnelles du régime de l’après-guerre. Aux États-Unis, on abolit une grande partie des lois héritées du New Deal qui segmentaient le système bancaire et financier. Certains responsables de la protection financière des citoyens américains plaident en 2003 en faveur d’une réglementation des produits dérivés, mais leur proposition est refusée par la commission du Sénat : les meilleurs experts affirment que la concurrence du marché est le meilleur des régulateurs de ces nouveaux produits financiers. De la même façon, on abaisse considérablement les critères de solvabilité requis pour avoir accès aux prêts hypothécaires, ce qui donne naissance aux subprimes. Ainsi, se reconstitue progressivement le contexte institutionnel de laisser-faire financier qui conduit à la crise ouverte en septembre 2008.
41Nul doute que la nouvelle génération, qui va faire face à une ou plusieurs décennies de stagnation, d’incertitude et de difficultés d’accès à un emploi stable, ne manquera pas de développer une approche de l’intervention et de la réglementation économiques, susceptible de corriger les excès de la période de libéralisation financière tous azimuts. On retrouve ainsi une onde longue qui trouve son origine dans le processus de constitution des institutions économiques, dépositaires d’une mémoire collective, de plus longue portée que celle des individus.
... Ces transformations opèrent à l’échelle quasi séculaire, car telle est la temporalité qui régit la transformation des rapports sociaux et politiques, la constitution de systèmes techniques et l’émergence d’arrangements institutionnels permettant d’assurer la reproduction économique des sociétés correspondantes. Selon l’adage de l’école des Annales : « chaque société a la conjoncture et les crises de sa structure? [5
... penseurs classiques anglais, on considère que les crises sont de simples perturbations d’une économie par ailleurs dotée de stabilisateurs ou que l’on suit l’approche inaugurée par Karl Marx, qui met en évidence la manière dont les contradictions propres au capitalisme font des crises une caractéristique intrinsèque de ce régime économique. Ainsi, la Grande Dépression des années 1930 marque une nouveauté : les économies connaissent une chute cumulative de la production et une déflation, sans que pour autant on observe une reprise permettant de retrouver la forte croissance des années 1920.
... Le déroulement et l’issue de ces grandes crises montrent nombre de traits idiosyncrasiques qui importent pour les analyses de sciences sociales.
De ce trop bref historique, il apparaît que petites et grandes crises jouent un rôle déterminant dans la périodisation des régimes socio-économiques. C’est une autre raison pour remettre périodiquement en chantier l’histoire et la théorie des crises.
CONCORRÊNCIA E CONVERGÊNCIA DAS TEMPORALIDADES. Mao ze dong e as medalhas aos soldados. X une unicité des temporalités à travers lesquelles s’ajuste l’activité économique. Diferença entre o contingente e o necessário. Ebtre estrutura e função. Ainsi les crises financières résultent-elles du grand écart apparu dans les périodes de spéculation entre le temps fiévreux de la finance et les exigences de continuité de l’activité productive.
... Si le conflit entre deux temporalités est une constante dans l’histoire des crises, chaque grande époque les colore des caractéristiques du régime socio-économique en vigueur. Les grandes crises sont des épisodes au cours desquels la viabilité de l’architecture institutionnelle héritée du passé est en jeu. Elles déclenchent en général un réajustement de la hiérarchie des temporalités régissant les diverses sphères. Le plus souvent c’est le temps de la négociation de nouveaux compromis politiques qui lève les incertitudes radicales nées de la destruction de l’ordre ancien et qui détermine la durée des grandes crises. Or il n’est rien de mécanique dans les processus sociaux correspondants, ce qui explique la durée très variable des sorties de crises.
Conclusão:
Les crises permettent ainsi une périodisation des sociétés, elles rappellent qu’existent des points de bifurcation entre le possible effondrement d’un régime socio-économique et une laborieuse recomposition du lien social, les déterminismes antérieurs n’assurant plus la reproduction et la compatibilité des arrangements institutionnels hérités du passé. À la lumière de ce constat, on peut avancer l’hypothèse que la crise actuelle marque d’ores et déjà une date clé dans l’histoire moderne. Il se pourrait qu’une approche par le conflit des temporalités se révèle fructueuse, en vue d’une meilleure intégration des sciences sociales autour d’un objet commun. Cet ambitieux programme de recherche pourrait être l’occasion d’une nouvelle alliance entre économistes et historiens. S’il est rendu difficile par la spécialisation et le relèvement contemporain des barrières disciplinaires, liés au processus de professionnalisation au sein des sciences sociales contemporaines, ce projet sur le traitement du temps apparaît sans nul doute riche de potentialités.
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